Q – Selon les sources entre un et deux ressortissants français auraient trouvé la mort en Libye, que pouvez-nous dire à ce sujet ?
Jacques Borde – Officiellement, dixit le porte-parole du Quai d’Orsay, Bernard Valero, par voix de communiqué, « Au cours d’un contrôle de police à Benghazi la nuit dernière, cinq ressortissants français ont été interpellés. L’un d’entre eux a été blessé par balle et est décédé dans la nuit à l’hôpital de Benghazi ». La victime a été identifiée, il s’agit de Pierre Marziali, 47 ans, ancien sous-officier au 3e RPIMa de Carcassonne et patron de la Secopex. Selon plusieurs sources concordantes, les activités de la Secopex ont, à de nombreuses reprises, « suscité l’intérêt » (sic) des Services de renseignement français, en clair de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et de la Direction de la protection de la sécurité de la Défense (DPSD).
Q – Et que faisait là, la Secopex ?
Jacques Borde – Tout simplement, son travail. Marziali avait fondé, en avril 2003, la Société d’Appui stratégique & Opérationnel française, la Secopex, qui se positionnait sur le créneau sensible, mais d’actualité, le conseil militaire privé et le soutien opérationnel. Le tout calqué sur le modèle anglo-saxon des SMP/FMP. À noter, comme l’indique sa fiche signalétique, que la Secopex a été la première société française à revendiquer l’appellation de Société militaire privée (SMP). Depuis sa création, Secopex avait développé une gamme complète d’activités basée sur la prévention, la formation et la sécurité des personnes et des biens. Persuadée de la validité du concept SMP, la Secopex, après plus de trois ans d’existence, venait de procéder à la restructuration complète de ses activités. Là, son avenir semble quelque peu compromis. D’autant qu’elle connaîtrait également de sérieuses difficultés financières.
Q – C’est à ce point ?
Jacques Borde – Oui ! Le tragique, cela n’aurait été que grotesque s’il n’y avait pas eu mort d’hommes, est qu’il apparaît désormais clairement que la France – ou doit-on dire la Françafrique – phare (autoproclamé, il est vrai) de la « démocratie » (sic) et des « droits de l’Homme » (resic), qui tonitruait à propos de Kadhafi sur son emploi supposé de « mercenaires », se fait, là, prendre la main dans le sac, avec la Secopex et sa filiale CSA :
1. En train ouvrir un « bureau » à Benghazi.
2. De conduire une opération à 30 km de Benghazi. À qui fera-t-on croire que les six hommes allaient faire du tourisme dans une zone à risques.
Q – Mais la Secopex ne desservait en rien les intérêts de la France ? Enfin ceux de l’administration Sarkozy et de SA guerre en Libye…
Jacques Borde – Et vous croyez que cela suffit ! Lorsqu’on connaît le courage de nos dirigeants à assumer leurs (ir)responsabilités, il est fort probable que l’administration française jette la Secopex avec l’eau du bain.
De plus, comme je vous l’avais indiqué dans une précédent entretien, si les activités de conseil et de formation sont parfaitement autorisées, fournir des mercenaires est strictement interdite par la loi française. Ce d’une manière plus rigoureuse que dans la plupart des autres pays occidentaux. Et là, comptez sur la « presse caniveau française » – pardon, pour le pléonasme – pour se déchaîner. Sans parler que les Français vont être passablement carbonisés sur le marché libyen…
Q – Que voulez-vous dire ?
Jacques Borde – D’où croyez-vous que nous vient le déluge d’infos et d’indiscrétions qui inonde les Je Suis Partout de la presse hexagonale sur cette affaire ? Essentiellement de sources extérieures. Autrement dit des SMP concurrentes anglo-saxonnes qui n’ont pas du tout apprécié que des Français se positionnent sur ce marché.
Q – Mais que s’est-il passé ?
Jacques Borde – On ne le sait pas trop. Une des sources les plus sérieuses croit savoir que Pierre Marziali était sur zone pour essayer de discuter avec des officiels du CNT. Un contrôle sur un check-point aurait dégénéré et Marziali « a été blessé de plusieurs balles de kalach dans l’abdomen. Il a succombé à ses blessures ».
Trois autres Français, dont le fameux Robert Dulas, seraient actuellement retenus au CNT. Selon certaines sources, mais je vous indique cela avec les réserves d’usage, Dulas pense que les Services français, très mécontents de fuites dans les media concernant la Secopex, auraient fait en sorte que Marziali et son équipe ne soient pas accueillis à bras ouverts et en tout cas pas sur recommandation de la France, comme l’ont sous-entendu plusieurs articles. La raison du contrôle qui dégénère serait celle-là. Ce serait, là, la version de Robert Dulas…
Q – Cela semble abracadabrant ?
Jacques Borde – Oui, effectivement. On ne voit pas pourquoi Marziali et Dulas seraient allés palabrer avec des officiels de la rébellion à 30 km de leur capitale (Benghazi). Ce dans une zone mal sécurisée et considérée comme à risque. On peut émettre l’hypothèse que la petite expédition, qui a mal tournée, je vous l’accorde, de la Secopex avait un tout autre but…
Q – Lequel ?
Jacques Borde – là, je ne suis pas dans les secrets des Dieux. Demandez à la Secopex. Ou, mieux à leurs clients et/ou commanditaires. À condition d’avoir leurs noms. Bien sûr !
À noter, qu’au moment où je vous parle, la rébellion n’a rien confirmé. Ni la mort de Marziali ni même l’arrestation de ses collègues ! Mais, il faut noter que cet incident arrive à un assez mauvais moment pour elle. Il intervient alors même que le CNT est en pleine quête de respectabilité et cherche à se faire reconnaître par la communauté internationale. Pas vraiment l’idéal d’être mêlé, même de loin, à la présence de « mercenaires » (sic) de son côté. Surtout après avoir dénoncé, sur tous les tons, la présence de soldats de fortune côté loyaliste. Or, l’AFP affirme avoir bien rencontré à Benghazi des membres de la Secopex…
Q – Qui est donc Robert Dulas ?
Jacques Borde – Robert Dulas, dit Bob, fin connaisseur des réseaux Touaregs, par ailleurs, est un ancien conseiller de feu le président ivoirien Robert Gueï, puis du Centrafricain François Bozizé. Il y a un mois, Robert Dulas aurait été nommé « ambassadeur itinérant et plénipotentiaire » par le patron de la junte au pouvoir à Niamey, le chef d’escadron Salou Djibo – croisé, il y a une douzaine d’années, alors que ce dernier fréquentait l’École militaire de Bouaké –, avec pour tâche (délicate) de superviser la révision des contrats miniers et agroalimentaires, passés à l’époque du précédent président, le lieutenant-colonel (CR) Mamadou Tandja.
Dulas travaillait donc pour la Secopex. Il collaborerait, également avec Charles Millon, l’ancien ministre français de la Défense, actif au Sahel dans le domaine des énergies renouvelables.
Q – Vous avez, je vous cite, dit « la version de Robert Dulas ». Il y en a d’autres ?
Jacques Borde – Oui. Nos propres sources parlent d’un deuxième Français décédé et de quatre capturés. Mais tombés, non pas aux mains du CNT, mais d’éléments loyalistes en incursion sur zone….
Q – Si près de Benghazi ?
Jacques Borde – Oui. Vous savez, dans cette guerre, les forces en présence ne tiennent vraiment que les villes. Et encore. Donc la possibilité d’une mauvaise rencontre, ou, pire, d’un piège tendu à la SMP française reste parfaitement envisageable.
Q – Si c’est le cas, quelle suite voyez-vous à cette affaire ?
Jacques Borde – Oh ! Là, je ne vois que deux hypothèses. Pas une de plus…
Q – Lesquelles ?
Jacques Borde – Hypothèses n°1 : Paris abandonne ses ressortissants à leur sort. Et, Tripoli leur réserve le sort ingrat promis par le droit libyen, et la législation internationale, aux soldats de fortune. Ce qui va poser quelque tracas à la diplomatie élyséenne…
Q – Pourquoi ?
Jacques Borde – Parce que Tripoli est toujours reconnu comme le pouvoir légitime par la majorité des États de la planète. Sans parler d’une foultitude d’institutions et instances, à commencer par l’Union africaine et l’Alba.
Q – Et ?
Jacques Borde – Inch Allah ! Hypothèse n°2 : Paris se lance dans des tractations, non-officielles et secrètes, pour récupérer nos ressortissants. Affaire, ô combien délicate à suivre. Si, bien sûr, ces personnes sont bien aux mains des loyalistes
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