Monsieur le ministre de la Défense et des Anciens Combattants,
Nous condamnons unanimement l'acte de barbarie qui nous prive aujourd'hui d'un ami cher. Cependant, votre empressement à justifier l'intervention militaire qui a conduit à la mort d'Antoine de Léocour et Vincent Delory nous a beaucoup surpris.
Réduire l'analyse de ce drame à un discours sécuritaire ne fait qu'alimenter grossièrement la presse à sensations. Cela occulte totalement les enjeux globaux de la situation économique et politique que traverse la zone sahélienne. Les épiphénomènes que nous vivons actuellement participent des conséquences de politiques étrangères occidentales vis-à-vis de ces régions.
« Ne rien faire, c'est prendre un double risque. »Vos déclarations nous amènent à nous interroger sur la mission de l'armée française : consiste-t-elle à abréger les souffrances de ses ressortissants (emmenés par les ravisseurs […] et on sait ensuite comment ils sont traités) lorsque vous, M. le ministre de la Défense et M. le président de la République, chef des armées n'êtes pas en mesure d'envisager une autre solution, plus digne ?
Ou a-t-elle pour objectifs de démontrer – quel qu'en soit le prix – que la France est prête à entrer dans l'escalade de la violence au nom de son combat pour la démocratie et contre le terrorisme (ne rien faire, c'est donner un signal que la France finalement ne se bat plus contre le terrorisme) ?
Sachez qu'à nos yeux la raison d'Etat ne doit jamais l'emporter sur le respect de la vie des citoyens.
Nous sommes particulièrement indignés par le ton de vos propos et de ceux de la majorité de la classe politique française dans un consensus national sans fausse note.
Nous croyons comprendre que la France, patrie des droits de l'homme, sacrifie ses ressortissants sur l'autel d'orientations stratégiques occultes. Vous avez effectivement pris le parti de vous mettre à l'abri de tous moyens de pression en excluant l'option des négociations.
Nous nous inquiétons également du traitement différencié réservé aux citoyens et victimes en fonction de ce que leurs employeurs représentent pour les intérêts de la France.
En conclusion, si vous « assumez » si bien cette mission, sachez dire aux Français qu'elle est un échec et prenez véritablement vos responsabilités en démissionnant. Si un tel courage vous manque, alors ayez au moins la décence de laisser reposer en paix les âmes d'Antoine et de Vincent en stoppant toute récupération politique de cet assassinat sordide.
Les amis de master 2 d'Antoine de Léocour (2007-2008) : Régis Belmonte, Amélie Benokba, Elodie Bordrie, Marielle Cartiaux, Marion Leriche et Marie Marchand.
Photo : des portraits d'Antoine de Léocour et Vincent Delory, exposés à la mairie de Linselles, le 11 janvier 2011 (Reuters).
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