vendredi 9 septembre 2011

Libye: Abdelhakim Belhaj, l'islamiste qui remercie les Occidentaux

Abdelhakim Belhaj,
Daniel Berehulak/Getty Images

Que sait-on du chef militaire de Tripoli, Abdelhakim Belhaj, soupçonné de liens avec Al-Qaïda? Arrêté par la CIA en 2004, il remercie désormais les pays occidentaux pour leur aide dans la chute du régime de Kadhafi. 

Le chef militaire de Tripoli, Abdelhakim Belhaj, inquiète. Ancien combattant en Afghanistan, arrêté par la CIA, il rend pourtant aujourd'hui hommage à l'Otan pour son action en Libye. Mais il est toujours montré du doigt pour d'anciens liens supposés avec Al-Qaïda. Pourtant, dans les interviews qu'il accorde aux médias occidentaux, Belhaj veut rassurer. "L'Occident n'a rien à craindre des combattants libyens", assure-t-il à l'AFP le 6 septembre.  
"Nous voulons un état civil en Libye", expliquait-il au Monde trois jours plus tôt. "Je peux vous assurer que les révolutionnaires libyens n'ont aucun agenda de nature à susciter les craintes de l'Orient ou de l'Occident", déclare le chef du Conseil militaire de la capitale, dans son QG dans l'enceinte de l'aéroport de Mitiga à l'est de Tripoli. 
Né en 1966 à Tripoli, ce diplômé d'une école d'ingénieur est l'un des fondateurs du Groupe islamique combattant (GIC) libyen, "une petite formation ultraradicale qui, dans les années précédant le 11 Septembre, possédait au moins deux camps d'entraînement secrets en Afghanistan", explique Libération. "En Libye, nous vivions sous un régime dictatorial (...) Il n'y avait pas d'autre choix que la lutte armée" plaide-t-il au Monde
"Nous n'avions aucun lien idéologique avec Al-Qaïda"
Pour la suite de son parcours, si l'on en croit son entretien au Monde, Abdelhakim Belhaj quitte la Libye en 1988 pour l'Arabie Saoudite. De là, il raconte qu'il rejoint l'Afghanistan, pays qu'il quitte quand les Moudjahidines prennent Kaboul en 1992. Il voyage alors, en Turquie et au Soudan notamment.  
Interrogé sur ses liens supposés avec le groupe terroriste d'Oussama Ben Laden, Abdelhakim Belhaj rejette ces allégations. "Nous n'avions aucun lien idéologique avec Al-Qaïda. La seule chose, c'est qu'on s'est trouvé en même temps que cette organisation sur le même théâtre des opérations (l'Afghanistan) et cela ne veut pas dire qu'on a les mêmes affinités idéologiques", ajoute-t-il. "Au contraire, défend-il dans son interview au Monde, quand Oussama ben Laden a fondé le Front islamique mondial de lutte contre les juifs et les croisés, à l'automne 1998, nous avons refusé d'en faire partie".  
Arrêté par la CIA dans le cadre de la lutte contre la nébuleuse Al-Qaïda, il est livré à la Libye et emprisonné. Il est finalement libéré en mars 2010, "à la faveur de la politique de clémence de Seif al-Islam", explique le Figaro, en échange d'une promesse de renoncer à la lutte armée. Le GIC est alors dissout. "Nous avons tenu promesse, dit-il au New York Times, la révolution a commencé pacifiquement, c'est Kadhafi qui a réprimé violemment les manifestations." 
Quand Abdelhakim Belhaj rejoint les rangs de la rébellion, il apporte l'expérience militaire qui fait défaut aux jeunes combattants. Il rallie le maquis du Djebel Nefousa, détaille Le Figaro, et participe "en première ligne aux opérations qui aboutissent à la chute de Tripoli". Et s'il est choisi comme chef militaire de la capitale par le Conseil national de transition, c'est pour que celui-ci le garde sous son contrôle, selon le New York Times.  
Hommage à l'Otan
Belhaj rend désormais hommage à l'Otan pour avoir aidé à la libération de Tripoli en fournissant une couverture aérienne à l'opération lancée par les combattants contre la capitale et qui a débouché, le 23 août, sur la prise de la forteresse de Bab al-Aziziya, le centre du pouvoir de Mouammar Kadhafi. 
Le Libye n'est pas comparable à l'Irak
Concernant la situation à Tripoli, le chef militaire se montre rassurant. "La situation est en train de se stabiliser. Je ne pense pas que les forces de Kadhafi aient encore la capacité de réagir. Elles ne peuvent plus déstabiliser Tripoli, mais quelques opérations lâches ne sont pas à exclure". 
Pour l'avenir, il se veut confiant: "Il n'y a aucune comparaison possible entre la Libye et l'Irak" dit-il, relevant que l'Irak, contrairement à la Libye, n'a pas connu en 2003 de soulèvement populaire contre le régime de Saddam Hussein. En outre, "il n'y a pas eu en Libye une intervention militaire directe (envoi de troupes au sol)". Dans les pages duNew York Times , il l'affirme: lorsque la situation militaire sera stabilisée, les unités de combattants qu'il dirige seront dissoutes et fusionnées avec les forces de police ou l'armée.  

Interrogé par la CIA et le MI6

Le moindre des paradoxes est que l'homme qui remercie aujourd'hui les pays occidentaux pour leur intervention en Libye a été arrêté par la CIA avant d'être remis au régime Kadhafi en 2004. Une arrestation qui réalisée dans le cadre de la politique américaine d'extraordinary rendition: la livraison de suspects de terrorisme à des pays pratiquant la torture. Arrêté avec sa femme enceinte, à Kuala Lumpur, en Malaisie, il est remis à des agents de la CIA à Bangkok (Thaïlande) qui l'interrogent, avant de l'expédier en Libye où il a été mis en prison et torturé régulièrement - puis condamné à mort.  
Des documents découverts dans le bureau abandonné de l'ancien chef du renseignement libyen Moussa Koussa à Tripoli montrent que les services de renseignements occidentaux -MI6 britannique et CIA- ont dévoilé ses noms de guerre français et marocains. Belhaj raconte au Guardian que des membres des services secrets britanniques étaient présents lors des premiers interrogatoires à Tripoli. Selon le quotidien britannique, le chef militaire entend exiger des excuses des autorités britanniques. Et David Cameron a demandé une enquête sur les allégations de complicité dans les actes de torture du MI6 avec le régime de Kadhafi. 

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