GÉNÉSE DES FAITS :
Le Dimanche 12 juin 2011, vers midi, à 80 km au Nord de la ville d'Arlit, un détachement de la Garde nationale, conduit par le sous-lieutenant dit Gamkalaïzé constate que trois véhicules 4X4 se dirigeaient lentement vers eux. Ils venaient de vers Mamanet. Arrivés à une vingtaine de mètres des éléments de l’armée, ceux-ci font une sommation pour que les occupants desdits véhicules s’arrêtent. Ces derniers ripostent avec des tirs nourris sur les éléments des forces de défense et s’éparpillent en soulevant des nuages de poussière. Malgré la puissance de feu des forces de défense, deux véhicules, un Pick up et une Hilux, arrivent à s’échapper. Un véhicule de l’armée les prend en chasse pendant que le troisième se démenait entre les feux des éléments des forces de défense. Quelques minutes après, le bilan est le suivant : du côté Forces Armées Nigériennes, il a été déploré un (1) mort et 06 blessés. Du côté des bandits armés, il a été enregistré un (1) mort, 1 véhicule de type Toyota double cabine Hilux contenant 640 kg d'explosif, 435 détonateurs pyrotechniques, une arme de guerre, plusieurs effets militaires et une somme de quatre vingt dix milles dollars US (9O. OOO $ US). La dépouille du bandit sera identifiée plus tard. Il s’agit d’un malien répondant au nom de Alhousseini Jaloud. D’après nos sources, cet homme serait très proche des terroristes d’Aqmi. Il constituait pour eux plus qu’un agent de renseignement mais un fidèle contact surtout avec l’Algérie.
DES INDICES TROUVéS SUR PLACE MENENT VERS ABTA HAMIDINE ET IBRAHIM ALAMBO
Sur le véhicule fouillé, plusieurs documents, notamment des certificats d’acte de naissance et des objets personnels ont été trouvés. Ils constituent la première piste des enquêteurs. On saura alors que deux hommes sont activement recherchés. Il s’agit de Abta Hamidine et Ibrahim Alambo, frère du président de l’ex-front rebelle armé du MNJ. Ils sont la clé de l’énigme.
PERQUISITIONS DU DOMICILE ET DU BUREAU DE ABTA HAMIDINE
Le lendemain, des enquêteurs vont fouiller le domicile de Abta Hamidine où ils découvriront 170.000 dollars US en espèces, six armes dont trois collectives et trois individuelles. Des documents seront pris notamment des écrits dévoilant que Abta s’apprêtait à prendre la tête de Aqmi Niger. A son bureau, outre les documents, ce sont deux unités centrales d’ordinateurs qui seront emportées par les enquêteurs. On apprend cependant qu’avant l’arrivée de ces derniers chez Abta, deux personnes les auraient devancés et pris des choses. Qu’ont-elles pris ? Qui leur a facilité l’accès à la maison de Abta alors qu’il était activement recherché? La suite de l’enquête nous le dira.
LE MERCREDI ABTA HAMIDINE, L’UN DES PRÉSUMÉS COMPLICES SE REND AUX AUTORITÉS À 40 KM AU SUD D’AGADEZ
Les forces de défense du Niger se mettent en alerte et pourchassent difficilement les deux véhicules rescapés de l’accrochage. Une tempête de sable survenue juste après l’accrochage ayant effacé les traces. Le lendemain, ils seront situés. L’un d’eux se rend. L’autre est retrouvé à côté d’Ingall. Celui qui s’était rendu est Abta.
En effet, ce dernier se sachant poursuivi par des éléments sortis d’Iférouane décide d’appeler son grand-frère à Agadez et une personnalité pour leur dire qu’il veut se rendre. Tous deux le supplient de le faire. Faisant fi des prières de ses amis libyens qui ne cessaient de l’appeler sur son Thurayya à les rejoindre en Libye, Abta se rend aux autorités d’Agadez. Un point de rencontre est prévu à 40 km au sud d’Agadez.
Le lendemain, un comité est mis en place pour aller le récupérer. Il est composé du Gouverneur Garba Maïkido, des officiers militaires tels que le commandant de zone d’Agadez; du commandant de légion de la Gendarmerie et du Procureur de la République.
Sur place, après quelques échanges de civilité entre Abta et les arrivants, et contrairement à ce qui devait être fait, c’est à dire le mettre sur place à la disposition de la Gendarmerie car présumé coupable de meurtre d’un agent de l’Etat en service, d’introduction d’armes illicites et autres substances dangereuses en territoire nigérien, Abta préfèra être dans
le même véhicule que le Gouverneur d’Agadez. En y prenant place, Il n’avait pour tout bagage que sa mallette en main. Après la fouille de son véhicule , on a retrouvé une arme AK 47 , des GPS, un téléphone Thurayya et plusieurs dizaines de cartouches.
ABTA HAMIDINE PASSE AUX AVEUX
Arrivés à Agadez, Abta est accompagné à son domicile par un lieutenant de la Gendarmerie et un agent de renseignements du Niger. Il prend son temps pour se laver, se raser et même prendre du thé chez lui avant de revenir à la Gendarmerie pour y subir un interrogatoire.
Et d’après nos sources, c’était ce jour-là même qu’il va passer aux aveux. Il crache tout en citant des noms et des endroits.
Voilà sa version des faits telle que nos investigations et nos recoupements nous ont permis d’établir : « Abta se préparait à livrer à Aqmi de l’armement (qui a été saisi) de connivence avec un malien Alhousseini Jaloul et Ibrahim Alambo dit Ouback, frère de l’ancien chef rebelle Aghali Alambo. En retour, Aqmi devait leur remettre les quatre otages français que la nébuleuse terroriste garde avec elle depuis le 16 septembre dernier. Tout a été préparé par des proches de Kadhafi, plus précisément son chef de renseignements en la personne de Mansour Abdallah. L’affaire aurait débuté depuis fin avril ou début mai 2011 quand Aghali Alambo appela Abta pour lui demander de descendre en Libye pour une affaire. Ce qui fut fait !
Une fois en Libye, Abta sut que le clan Kadhafi cherche à entrer en contact avec Aqmi, plus précisement Abou Zaïd ou Abass le “ Borgne”.
Pour Aghali Alambo, seul Abta est la personne la mieux indiquée pour le faire. Ce dernier accepta après avoir posé ses propres conditions. Certaines sources rapportent que Abta aurait demandé au clan Kadhafi de lui fournir des armes et des moyens nécessaires pour créer une branche Aqmi au Niger. Condition qui fut acceptée surtout qu’elle converge avec le désir affiché du clan Kadhafi qui enrage de punir l’Europe et surtout les Français pour leur soutien aux rebelles du CNT.
Le marché fut conclu. De retour au Niger, Abta contacte un ancien ami maquisard du nom
de Alhousseini Jaloud. Il sera chargé de négocier « l’achat » des quatre otages français. Aqmi accepte de livrer ces derniers mais demande en contrepartie du matériel notamment l’explosif TNT, les tenues militaires, les détonateurs …etc. Le matériel ainsi saisi serait estimé à plus de deux milliards de FCFA. Les Libyens étaient prêts à tout pour avoir les otages sur leur sol. A quoi pouvaient-ils bien servir au clan Kadhafi ? Sûrement dans l’optique de faire plier la France dans son élan guerrier en Libye car en remettant gratuitement ces otages au président-candidat Sarkozy, le clan Kadhafi pense avoir une chance de survie et Sarko une chance de réelection. Ou bien carrément faire chanter la France pour qu’elle arrête son copinage avec le CNT si elle veut sauver la vie de ses citoyens pris en otages.
Revenons à notre sujet. A la fin du mois de mai, Abta se rend pour la deuxième fois en Libye, cette fois-ci en compagnie de Alhousseini Jaloud et Ibrahim Alambo. Ils passent par Arlit pour rejoindre Tripoli. C’est là où tout sera ficelé. Le clan Kadhafi remet le véhicule avec son tonnage d’armement et de l’argent au contact de Aqmi qu’est Alhousseini Jaloud. On
parle de 400.000 dollars US. Le sieur Alhousseini aurait remis 210.000 dollars au facilitateur Aghali Alambo. Et à Abta la somme de 90.000 dollars. Il aurait gardé pour lui les 100.000 dollars.
D’après des sources dignes de foi, Abta a été chargé de faciliter le passage de l’axe Niger-Mali tant à l’aller avec l’armement qu’au retour avec les otages. Il devait être appuyé par Ibrahim Alambo afin d’éviter toute mauvaise rencontre. Les militaires nigériens surtout. Et c’était cela qui était arrivé à Ourarène.
ABTA EST AMENÉ À NIAMEY POUR LE BESOIN DE L’ENQUÊTE :
Devant la gravité de la situation, Abta est transféré à Niamey. Là bas, il aurait confirmé sa version des faits.
Entre temps à Agadez, les enquêteurs commencent à interpeller des gens. Des perquisitions sont menées simultanément dans certaines maisons. Au quartier Jeunes Cadres, deux armes seront retrouvées chez un commerçant. Au quartier Dagmanett, c’est une villa qui sera perquisitionnée. A Ingall, c’est un conseiller local du PNDS répondant au nom de Soudati qui sera interpellé et mis aux arrêts. Il lui serait reproché d’être proche du bandit armé tué à Ourarène lors de l’accrochage du 12 juin 2011. Selon nos informations, Soudati était chargé à chaque fois que Alhousseini Jaloul séjournait à Agadez de lui réserver une chambre. L’hôtel qu’il a toujours préféré est sis au centre ville d’Agadez et était presque toujours inhabité. Au fur et à mesure que les jours et les heures passent, l’enquête se complique.
LE DROIT DE ABTA HAMIDINE À LA PRÉSOMPTION D’INNOCENCE ET AU DÉLAI LÉGAL DE LA GARDE À VUE N’AURAIT ÉTÉ RESPECTÉ ?
A cette date, seize jours après l’affaire, aucun proche de Abta Hamidine n’a de ses nouvelles. Pas même sa femme qui tente d’avoir un signe de vie de sa part depuis qu’il a été transféré à Niamey. Personne n’a de ses nouvelles. Un black-out total est entretenu sur lui. Est-il toujours à Niamey? A t-il été écroué quelque part? Y a t-il eu un procès où il a été inculpé?
Le délai légal d’une garde à vue ayant expiré depuis longtemps, les autorités nigériennes doivent donner de la voix pour qu’on sache ce qui s’était passé dans cette affaire. Elles doivent se dire que Abta Hamidine a une famille et des enfants qui le pleurent dans le noir de l’absence.
UNE QUESTION DÉRANGE AUJOURD’HUI : OÙ EST PASSÉ LE CHARGEMENT DE DEUX AUTRES VÉHICULES ?
Ce qui prête aujourd’hui à méditation n’est pas l’origine de ce que transportaient les véhicules ni même leur destination mais l’endroit où se trouvent actuellement le chargement de deux autres véhicules. Rien ne nous justifie que seul le véhicule arrêté transportait de l’armement. Même si nos renseignements sont unanimes que des tels chargements sont destinés à Aqmi, il est fort à craindre qu’en attendant que les choses se calment, leurs occupants les ont cachés quelque part et pourquoi pas dans la ville même d’Agadez. Ce qui est très grave car on sait et cela des sources bien renseignées tant au Tchad qu’en Algérie que les terroristes s’étaient bien servis et même dotés des redoutables batteries aériennes après le pillage des casernes libyennes. Ces armes sont capables de neutraliser les avions volant à basse altitude. Ce qui est incontestablement un danger pour ceux qui atterrissent ou décollent aujourd’hui de l’Aéroport Mano Dayack.
LES FORCES DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ SONT SUR LE QUI-VIVE :
Sur le terrain, les forces de défense ne sont pas du tout repos. En quelques heures, trois véhicules volés dans la région sont retrouvés par les hommes du Colonel Abdoulaye Adamou Harouna, commandant de la Zone N°2 d’Agadez. Il s’agit de celui d’Areva Niger, d’un autre 4X4 ramené par les militaires sortis d’Agadez après un accrochage à Krip Krip et celui de la compagnie Orange enlevé qui aurait été déjà localisé dans l’Aïr. On apprend aussi que deux coupeurs de route, l’un originaire de Tchiro et l’autre de Tanout, qui écumaient la zone et qui ont toujours passé entre les mailles des forces de l’ordre ont été mis hors d’état de nuire. Devant l’engagement des forces de l’ordre, une dizaine de coupeurs de route annonce son imminente reddition toujours vers Tamazalak. Des contacts ayant été noués par des facilitateurs de la région. Tout cela est à mettre à l’actif des forces de défense et de sécurité, qui dans un même élan de collaboration ont réuni leurs efforts pour éradiquer le banditisme résiduel.
UNE AFFAIRE QUI RELANCERA L’ÉPINEUX DOSSIER D’UNE BASE MILITAIRE ÉTRANGÈRE À AGADEZ
Cette affaire d’explosifs va relancer une fois encore le problème de la sécurité de notre pays. Elle viendra rappeler à notre claire conscience que nos frontières sont poreuses et que nos forces de défense malgré toute leur bonne volonté ne peuvent y être d’un grand secours. D’où la question de l’opportunité ou non d’une base militaire étrangère dans notre pays. Même si la question divise les Nigériens, ceux qui au nom d’un patriotisme justifié refusent cette installation militaire doivent se dire aussi qu’ils font le jeu sans le savoir ni le vouloir de tous ces trafiquants de drogue et de leurs complices qui voient en la présence de ces forces un écran suicidaire à leur business. On sait très bien que le jour où le désert, malgré son immensité, sera sécurisé par une force capable et dotée de moyens conséquents, le trafic qui engraisse les prétentions des ces terroristes et de leurs acolytes sera démantelé. Et cela certaines personnes ne sont pas prêtes de l’accepter.
CRÉVER L’ABCÈS DES COMPLICITÉS
Pour régler cette insécurité chronique à Agadez, une chose est plus que nécessaire : la franchise ! Il est aujourd’hui un secret de polichinelle que des officiers militaires, paramilitaires et des politiciens y sont trempés. Ceux qui veulent saper la marche de cette locomotive d’enrichissement illicite ou qui osent émasculer le fût de ces complicités seront carrément doigtés et mis hors-jeu.
SEM Mahamadou Issoufou, Président de la République du Niger n’a aucun intérêt à ce que cela perdure. Il y va de la crédibilité du Niger. Pour cela, il est grand temps que cessent toutes ces faussetés pour que résonnent enfin les tambours de la vérité. Les gens doivent se regarder en face et se dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité. On sait très bien qui est qui et qui fait quoi dans cette affaire.
Il apparaît aujourd’hui que le Niger doit faire face à beaucoup de menaces : la première a toujours été cette question de rébellion touarègue à laquelle les autorités politiques n’ont toujours pas trouvé de solution définitive. La deuxième est celle d’Aqmi qui est venue se greffer au premier problème. En rappel, les forces de défense ont combattu ces éléments tant à Talemcès qu’à Tillia.
La troisième menace est la plus dangereuse pour certains partenaires du Niger comme la France. En effet, le ressentiment actuel du clan Kadhafi face à sa chute annoncée est de se venger en s’attaquant à tous les intérêts de la France où qu’ils soient (exemple Areva implantée au Niger).
Sur le terrain, qu’est-ce que le Niger a à leur opposer ? Même si les FAN sont sorties ragaillardies et aguerries de la deuxième rébellion, et même si des hommes de terrain expérimentés et courageux ont été placés à la tête des compagnies militaires, l’Etat a intérêt à accompagner ce geste des moyens de travail que sont les 4X4, les avions de combat et des renseignements sérieux.
Et enfin, savoir qu’au nord Niger, comme nous l’avons toujours dit et redit dans nos colonnes, le fait de négliger le capital humain de la zone est une grave erreur. Il faut avoir confiance aux fils et aux filles de cette région pour qu’il y ait de l’ordre. Le vrai ordre. Non pas l’ordre de la terreur, mais l’ordre durable né du dialogue sur lequel germera sûrement une population éduquée et résolument tournée vers le progrès.
On aura beau armer, éduquer et renseigner des élites venues d’ailleurs, il leur restera toujours à apprendre du grand Nord et de ses habitants.
Enquête réalisée à Arlit et à Agadez par
Ibrahim Manzo DIALLO
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