Interview: Abdellah ag Oumbadougou, une étoile dans le désert
Cela fait déjà longtemps qu’il a troqué sa kalachnikov pour une guitare, le musicien touareg Abdallah Oumbadougou hier en rébellion contre l’Etat nigérien chante aujourd’hui la souffrance du peuple touarègue, la paix et la scolarisation des enfants. Après être passé par le Maroc avec le collectif Desert Rebel, accompagné de Daniel Jamet et d’Amazigh Kateb, le voilà qui revient à Dakhla, cette fois pour une résidence avec Zghailina et Daby Touré qui malheureusement n’a pas abouti sur le concert du 27 février à cause de troubles qui ont émaillé le festival de Dakhla. Nous l’avons rencontré à Casablanca avant qu’il s’envole pour le Niger.Finalement, vous êtes venu un peu pour rien ?
Non bien sûr que non. Le plus important qui est la résidence et la rencontre avec Zghailina et Daby Touré a bien eu lieu et on a travaillé ensemble. C’est quant même dommage. On avait entamé de bonnes séances de travail. Et puis il y a eu ces violences et l’annulation du festival. On était parti sur de bonnes bases. Mais le travail n’est pas perdu pour autant. Cela va servir car nous reviendrons, probablement l’année prochaine, pour donner un concert et offrir au public le résultat de notre travail
Qu’est ce qu’ont en commun la musique touareg, la musique hassanie et mauritanienne ?
Et bien, ils ont d’abord en commun le désert qui pour moi est un espace qui doit rassembler plutôt que séparer. La musique et là pour le rappeler. Quand tu écoutes les accords d’un Marocain ou d’un Mauritanien tu reconnais très vite quelque chose de fondamental dans le rythme, une unité dans les chants et la mélodie qui ignorent la distance. Ca pour le musicien que je suis c’est très surprenant de le redécouvrir à chaque fois.
Qu’est ce qui reste du collectif Desert Rebel ?
Pour l’instant pas grand-chose. Le projet n’a malheureusement pas pu perdurer essentiellement pour des raisons de disponibilité des musiciens Daniel Jamet (Mano Negra), Guizmo (Tryo) Amazigh Kateb et Imhotep (IAM )qui étaient engagés avec leur groupe respectif. Mais le fond est toujours là. Je m’investis toujours sur dans les actions culturelles qui ont porté le projet, mais cette fois avec mon groupe initial Takarist N’Akal.
Que reste-t-il de la rébellion ?
C’est du passé. Aujourd’hui ma révolte se traduit par des projets éducatifs sur le terrain comme la construction d’école de musique par exemple. J’ai tourné la page de la dissidence. Pour tout dire, lorsque le projet Desert Rebel allait débuter, je me suis battu huit mois pour changer le nom « Desert Rebel » parce que je ne suis plus en rébellion et parce que ça me pose des problèmes quant je vais au Niger. Mais les producteurs ont tenus à garder l’intitulé tel quel. Cela m’a causé du tord. J’aurais plutôt voulu qu’on appel le projet « Les étoiles du désert ».
Bio : Abdallah Oumbadougou est un guitariste touareg, né vers 1962 à Tchimoumouneme près d’Agadez (Niger). Il achète sa première guitare à l’âge de 16 ans et apprend la musique en autodidacte. Les décennies 70-80 sont marquées par une grande sécheresse et par une marginalisation croissante des Touaregs au Niger, provoquant ainsi l’exil des jeunes Touaregs vers la Libye et l’Algérie, à la recherche d’un travail et d’un avenir meilleur. Abdallah fait partie de ces exilés, il se rend en 1984, avec deux de ses amis pour l’Algérie. Le voyage est périlleux, il leur faut traverser le Sahara à pied, clandestinement. Ils ont mis 27 jours et ont failli mourir de soif. Parvenu à Tamanrasset en Algérie, Abdallah trouve un travail et continue à jouer de la guitare le soir pour ses amis. Il chante la souffrance du peuple touarègue, la paix et la scolarisation des enfants. En 2005, il participe à l’aventure Désert Rebel, accompagné de Daniel Jamet de la Mano Negra, de Guizmo de Tryo, d’Amazigh Kateb et de Imhotep du groupe IAM. Depuis, Abdallah utilise sa notoriété pour préserver la culture touarègue. Il a ainsi fondé l’association Takrist n’tada et a construit deux écoles de musique : une première à Arlit, en 2000 et une seconde en 2003 à Agadez au Niger. En 2010 Abdallah enregistre son nouvel album, réalisé par Daniel Jamet (Ex Mano Negra).Abdallah Oumbadougou est un des fondateurs de la musique touarègue contemporaine, sa musique s’écoute partout dans le désert de l’Algérie, au Mali, Niger et Lybie.
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